• Cette rubrique a  pour objet de vous permettre d'indiquer votre avis, votre ressenti suite à la lecture du livre.

    Naturellement, il ne s'agit pas de le raconter ni de dévoiler ce qui est à découvrir par chaque lecteur, et la critique, positive ou négative, se doit d'être constructive et autant que possible argumentée...

    A vous de jouer !


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  •  

    (- Est-ce que tata Véronique sera là ? ) 

     

     La réponse, très froide, vient de son père :

     

    - Je ne sais pas. Tu sais bien qu'avec elle on ne sait jamais rien, et que nous ne l'avons pas vue depuis… des années. Par contre il devrait y avoir normalement mon amie Virginie, l’institutrice, sa compagne Stéphanie, la voyante, ainsi que leur ami Eric…

     

     - Vous êtes sûrs que c’est l’anniversaire des ancêtres et pas la Gay Pride, dimanche ?

     

    Les parents ne se donnent pas la peine de relever la remarque de leur fille, se contentant de la fusiller du regard, et Jérôme poursuit :

     

    - … Fabienne, patronne du magasin de fringues de Marennes où travaille maman, Joëlle, son autre collègue avec son copain Marc, et puis bien sûr Jean-Michel, le meilleur ami de votre grand-père, et peut-être votre oncle Sylvain.

     

     Le dernier nom cité ramène le sourire de l’espérance sur le visage des enfants, qui ne se hasardent à aucun commentaire.

     

     Le dîner se termine dans le silence, jusqu'à ce que Jérôme demande aux enfants s'ils ont fait leurs devoirs pour le lendemain. Cette question rituelle amène une réponse en chœur non moins rituelle :

     

    - Oui, papa !

     

     Une fois la vaisselle rangée dans l'appareil destiné à la laver automatiquement,  chacun reprend son activité habituelle en attendant l'heure d'aller se coucher, dans cette chaleur persistante où les volets ne s'ouvrent que le soir, à la fraîche, ou ce qui fait fonction de…

     

    Après avoir hésité, Jérôme et Karine se décident à effectuer leur traditionnelle petite balade du soir, cette fois jusqu'au pont transbordeur, situé à cinq cents mètres de leur foyer. Les enfants sont suffisamment sages pour se garder tout seuls pendant une vingtaine de minutes. Et puis, en bons parents soucieux de la sécurité de leur progéniture, ils ne manquent pas d'avoir un téléphone portable avec eux dans ce genre de situation.

     

     C'est toujours un plaisir pour le couple, une fois sorti de la petite cité d'une douzaine de pavillons construite en ce début XXIème siècle et peuplée essentiellement de familles partageant avec eux le même profil, y compris sur le Net, car beaucoup sont des « gamers », que de descendre cette avenue bordée de platanes qui mène à ce pont tout en ferraille. Inauguré le 29 juillet 1900, il est issu du cerveau d'un ingénieur et constructeur nommé Ferdinand Arnodin. Le voyageur qui découvre le pont transbordeur de Rochefort (ou du Martrou, nom du quartier de Rochefort accueillant le passager sur l'autre rive de la Charente), ne peut s'empêcher de penser au créateur de la Tour Eiffel.

     

    Cet ouvrage, devenu œuvre d'art de par son classement comme monument historique en 1976, alors que sa destruction était programmée et financée, est devenu un but de promenade touristique lors de la période estivale, à proximité de l'estuaire de la Charente. Il surplombe le plus beau ruisseau du royaume d'Henri IV, qui finit sa lente et sinueuse course quelques kilomètres plus loin, dans l'océan.

     

    Dernier pont transbordeur de France, il nargue du haut de ses cinquante mètres de hauteur son voisin et benjamin, le viaduc de Martrou, situé quelques centaines de mètres plus en aval, et construit au début des années 90.

     

    Entre les deux, aussi bien dans le temps que dans l'espace, un autre pont, à tablier levant, aura été construit mais aura joué la vie brève, la naissance du viaduc coïncidant à quelques mois près avec sa mise à mort. Il ne reste d'ailleurs comme ossements que la base des quatre piles en béton armé.

     

    - Tu sais que chaque fois qu'on s'approche du pont la première image qui me vient à l'esprit est celle des sœurs jumelles, nées sous le signe des gémeaux, comme dans la première scène de cette comédie musicale de Jacques Demy, où l'on voit une caravane foraine prendre le pont pour arriver à Rochefort ?

     

    - Oui, ma chérie, mais quelles sont alors les cinématographiques pensées qui devraient poindre quand tu t'approches d'un stock de parapluies, du côté de Cherbourg, même si les pépins ne sont pas d'actualité en ce moment… ?

     

     - Je ne le sais pas, mon amour, mais j'avoue que j'ai tendance parfois à confondre ces deux remarquables comédies musicales.

     

    - Peut-être parce qu'il faut deux demis pour faire un…

     

     Elle se retourne alors vers lui et l'embrasse passionnément, tel un félin bandant brusquement tous ses muscles pour se saisir de sa proie. Tout en subissant l'étreinte, Jérôme descend ses mains sur puis sous sa robe pour constater avec stupeur qu'elle n'a pas remis de culotte. Sentant sa profonde surprise, elle se dégage brusquement dans un éclat de rire, faisant face au soleil encore brillant, et fait fi des quelques personnes passant à côté d'eux, qui ne leur prêtent d'ailleurs que peu d'attention.

     

     Ils sont arrivés à proximité du quai d'embarquement du pont, et la dernière navette de la journée transporte sa cargaison de touristes, souvent étrangers, en particulier allemands ou hollandais, avec leurs vélos, venus chercher leur ration de fraîcheur en cette fin de journée.

     

    - Attends encore un peu…

     

    Ces quelques mots propres à susciter de l'espoir à Jérôme lui sont glissés par Karine à l'oreille, qui a senti son désir pointer contre son bas-ventre.

     

    Ils en profitent ensuite pour admirer la vue de la nacelle, maintenant accostée sur le quai, et commençant à décharger lentement sa cargaison humaine, avant de recevoir sa dernière ration de la journée pour son ultime trajet direction Rochefort.

     

    D'une rive à l'autre. Cette pensée traverse l'esprit de Jérôme alors qu'il observe le départ de la navette, se détachant de ce bord de la Charente pour s'en aller de l'autre côté. Notre vie est faite de ces passages, ces moments où il faut quitter un pays connu pour découvrir un autre monde, et rester suspendus durant le trajet, quittant un univers pour en découvrir un autre, une part de nous-mêmes restant en arrière et nous faisant des signes d'adieu, tandis que nous emmenons avec nous un morceau de cette terre abandonnée, avec ses odeurs, ses images, ses sensations qui nous habitent à jamais, jusqu'à l'ultime passage, par un matin ou une nuit de brouillard, où l'autre rive n'est qu'une « terra incognita » qui n'existe peut-être même pas…

     

    Ferdinand Arnodin avait-il pensé à tout ça lorsque cette idée germa en lui, il y a plusieurs milliers de traversées de cela ?

     

    Une main bien connue tire Jérôme de ses méditations en lui caressant le visage, repoussant ses cheveux de moins en moins poivre et de plus en plus sel en arrière.

     

    - J'espère que nous ferons d'autres voyages ensemble, et pas seulement le dernier…

     

    - Comment peux-tu imaginer ne pas m'accompagner dans le temps qui nous reste à vivre ? Ou alors tu es nacelle que je croyais ?

     

    A voir Karine, au premier abord, l'inconnu ne peut imaginer que derrière ce visage froid rarement illuminé d'un sourire se cache un être de sexe féminin doué, et même très doué, de sensibilité voire d'une certaine forme de romantisme. Elle pousse parfois l'excentricité jusqu'à rire aux éclats des jeux de mots de Jérôme les plus approximatifs…

     

    Ils remontent ce qui fut autrefois l'avenue menant de Rochefort au sud du département, en dépassant quelques rescapés du précédent passage, qui profitent de ces instants parsemés de fraîcheur avant de regagner leurs véhicules remplis d'une prégnante chaleur, leur rappelant que l'été n'est pas en retard cette année.

     

    Lorsqu'ils poussent la porte d'entrée, le silence les frappe dans sa muette dureté. Pas un bruit. Ni télé, ni musique. Rien. La large baie vitrée donnant sur le jardin est fermée. Jérôme se précipite dans chacune des chambres, pour constater avec soulagement que les enfants sont non seulement couchés, mais dorment à poings fermés, avec un simple drap de coton pour toute couverture. Ils ont l'air parfaitement apaisés, comme tout ce qui vit en cette maison, alors que le soleil accélère sa course vers un horizon toujours dépourvu du moindre nuage, sûrement pour piquer une tête dans l'atlantique océan tout proche.

     

     FIN DU PRÉAMBULE

     


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    (Un échange de regards avec Karine confirme l'impression de Jérôme, à savoir que sa femme a formulé une remarque à son fils, rapport à l'usage abusif de ses écrans divers et variés, ce qui a provoqué la bouderie du drôle, terme à consonance affectueuse, utilisé dans la région en parlant d'un gamin.)

     

     - Eh bien, mon garçon, tu fais la tête ? Je croyais que tu adorais la quiche au thon de ta mère ?

    Jean-Lol grommelle sans changer de position :

     - Non, rien à voir avec ça. Et puis, pour ce qui est de la quiche comme du thon, je suis bien entouré…

    - Tu te prends pour quoi ? C'est Jean-Mongol que tes parents auraient dû t'appeler !

     - Tu peux parler ! Dans le genre prénom idiot, tu n'as rien à m'envier ! Au moins, le mien n'est pas sorti d'un sexe !

     Karine et Jérôme sourient avec une pointe de lassitude.

     - Voyons, ma chérie, c'est très joli comme prénom, même si ce n'est pas tout à fait celui que nous voulions te donner. Tu sais bien que tu aurais dû t'appeler Cypriane, et que ton père avait tellement bu lorsqu'il t'a déclarée à l’état-civil, le jour de ta naissance, que l'officier qui t'a enregistrée s'est trompé et a oublié le « a ». Ton père avait déjà commencé à fêter ton arrivée, et ne s'est rendu compte de l'erreur que lorsqu'il a commencé à dessoûler, c'est-à-dire bien plus tard. Tu sais, nous avons voulu le faire rectifier, mais il aurait fallu engager toute une procédure, et puis, il faut bien avouer qu'il nous a beaucoup plu… C'est pourquoi tu t'appelles ainsi, et tu n'es pas la seule à le porter… Bien sûr, au début, ça a surpris notre entourage, mais par la suite tout le monde a adoré, à commencer par...

     - Et voilà ! A force de chercher des prénoms de plus en plus originaux, on en arrive à ce genre de bêtises ! Et que dire du mien ! Jean-Lol, tu parles d'un cadeau !

     - Bon, lui répond son père, au départ ta mère voulait Jean-Pol, mais finalement on s'est dit que comme ta sœur avait un prénom un peu particulier, on allait te faire le même cadeau justement. Là encore, une fois passé l'effet de surprise, tes grands-parents ont beaucoup apprécié, et nos amis également. Et le succès que tu as sur la toile !

     - Et dans la cour de l'école, je ne vous raconte pas ! Quel dommage que vous vous soyez arrêtés en si bon chemin ! Je n'ose pas imaginer la suite, que dis-je, les suites possibles, par exemple une petite sœur Anaëlle, et à la mairie ils auraient bêtement oublié la voyelle avec le tréma… Cette fois, ce n'est pas moi qui l'aurais eu dans le derche !

     - N'empêche, tu nous remercieras plus tard, Jean-Lol Martinaud, ça sonne mieux et c'est plus original qu'Antoine ou Nicolas.

     La dernière phrase de Jérôme est prononcée d'un ton sans appel possible.

      - Et puis, enchaîne son père, tu devrais passer moins de temps sur ton ordinateur ou ta console de jeux, et plus à lire ou faire du sport. Tu es en train de t'abrutir le cerveau et les yeux.

     - Heureusement que mon oncle Sylvain est plus ouvert que vous ! Sinon, j'en serais à écrire mes devoirs sur des parchemins…

     Cette dernière réplique provoque un sourire amusé sur les visages des parents, et finit par détendre l'atmosphère qui commençait à devenir pesante. Le frère aîné de Karine, enseignant et célibataire sans enfant, est un pur geek qui a choisi les enfants de sa sœur pour transmettre son virus. Malheureusement pour eux, il habite à Angoulême, soit à une centaine de kilomètres, pas très loin de chez Marie-Fréquentine, grand-mère de Karine et Sylvain, pensionnaire d'une maison de retraite située à deux cents mètres du domicile de son petit-fils.

     - Tiens, à propos de famille, je te rappelle que nous allons déjeuner chez tes parents, dimanche prochain. Et c'est aussi leur anniversaire de mariage.

     Le ton, un peu sec comme souvent, de Karine ne cache rien du peu d'emballement qu'elle manifeste pour cette sortie familiale. Autant elle peut être très féminine et langoureuse avec son homme, autant son abord est plutôt du genre froid et cassant. Cette apparente contradiction du feu sous la glace n'est pas pour rien dans son pouvoir de séduction, dont Jérôme est la première victime.

     - Chic ! On va bien s'amuser…

     L'enthousiasme de l’adolescente n'a pas grand-chose à envier à celui de sa mère.

     - Ouais, une après-midi de gâchée. Dire que je pourrais m'entraîner au tennis. Tu sais que le moniteur a trouvé que mon revers avait bien progressé, ce tantôt ?

     En disant cela, Jean-Lol regarde son père, histoire de répondre à sa remarque sur son début d'addiction aux écrans…

     - Vous n'avez vraiment pas le sens de la famille ! Heureusement que je suis là pour vous rappeler les saines valeurs traditionnelles, à vous, bande de petits individualistes égoïstes…

     Comme souvent avec Jérôme, il est difficile de savoir si c'est du lard ou du cochon. Sa remarque n'appelle pas de réponse de la part de ses interlocuteurs, si ce n'est, après un silence de quelques secondes et alors que Karine se lève pour aller chercher la corbeille de fruits, dessert imposé en cette période de chaleur estivale, cette question de Cyprine :

     - Est-ce que tata Véronique sera là ?

     (à suivre... )


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    (Sa femme a senti sa surprise avant de se dégager de sa bouche, tout en lui présentant son plus beau et craquant sourire, accompagné de ses yeux allumés et allumeurs... )

     

    C'est la voix d'une enfant de quatorze ans qui les interrompt dans ce qui pourrait être un début d'ébats :

     - Maman, tu m'avais dit que tu viendrais me faire réciter mes maths !

     - Oui, ma Sissi chérie, plus tard, le repas est prêt dans cinq minutes. Et si tu en profitais pour mettre la table avec ton frère ?

     - Tu parles ! Il est encore branché sur ses jeux vidéo ! Je l'appelle depuis un moment et il ne veut même pas me répondre. Je me demande quelle grave bêtise j'ai bien pu faire pour que vous m'ayez fait ce cadeau.

    Jérôme et Karine sourient gentiment à la plaisanterie de leur fille aux longs cheveux blondissant, portrait craché de sa mère, y compris les mêmes grands yeux verts dont elle use avec autant de malice qu'elle. Il est un fait que, si Cyprine et son cadet de quatre ans sont souvent en train de se taquiner, voire parfois se disputer, il n'empêche qu'ils sont du genre complice. Une complicité souvent fatigante pour leurs parents, mais qui les rassure.

     Alors que Karine retourne dans la partie culinaire de la grande pièce, la bientôt jeune fille court chercher l'éponge et le torchon, pendant que Jérôme en profite pour s'éclipser discrètement prendre sa douche, mais seulement après avoir salué son fils dans sa chambre. Celui-ci semble en pleine séance d'hypnose devant l'écran de son portable, et c'est mécaniquement qu'il répond au baiser que son père dépose sur sa joue. Et à peine s'il opine du chef lorsque son paternel l'informe qu'on passe à table dans un petit quart d'heure. Cyprine a raison, pense Jérôme, ce gamin commence à passer trop de temps avec son micro. Il en touchera deux mots à son épouse, après le repas.

     L'eau à peine tiède coule comme un baume régénérant sur la peau mate et encore musclée du sportif amateur de vélo, qui approche de la cinquantaine. Il réalise que Karine n'a pas tout à fait tort, malgré ses dénégations de mâle qui refuse de voir tout ce qui le touche et se rapporte à la vieillesse, lorsqu'elle évoque plus ou moins directement l'évolution de son ventre. L'espace d'un instant, et surtout pour se donner bonne conscience, Jérôme se dit qu'il ira faire un tour à vélo, après le repas, quitte à reprendre une douche après. De toute façon, avec cette chaleur de moins en moins tempérée par le fond de souffle éolien venant de l'océan proche, ils ne les comptent plus, ces douches qu'ils sont obligés de prendre pour supporter cette chaleur de plus en plus étouffante, qui rend les vêtements, surtout ceux qu'il met pour aller à son travail, de plus en plus difficiles à supporter. La pensée de Karine nue sous sa robe d'été provoque instantanément chez lui un début d'érection. Jérôme sourit, et surtout repousse bien loin de son esprit l'idée d'aller faire un tour à bicyclette après le dîner. S'il doit chevaucher une petite reine, autant que ce soit celle qui l'enverra au septième ciel.

     Lorsqu'il sort de la salle de bain, Jérôme remarque aussitôt l'air contrarié de Jean-Lol, attablé entre sa sœur et sa mère. La tête prise entre ses mains, le garçonnet se cache derrière sa tignasse aussi brune que celle de son père, sauf que la sienne est dépourvue du moindre cheveu blanc. Un échange de regards avec Karine confirme l'impression de Jérôme, à savoir que sa femme a formulé une remarque à son fils, rapport à l'usage abusif de ses écrans divers et variés, ce qui a provoqué la bouderie du drôle, terme à consonance affectueuse, utilisé dans la région en parlant d'un gamin.

     (à suivre... ) 


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